Textes des chroniques



Pour votre réveil


CHAQUE JOUR EST UNE VIE


Bonjour à vous auditeurs, pour une grande part en train de vous réveiller. Et pour ça, vous écoutez la radio. Bon ben déjà, on est sur la même longueur d'ondes !

Alors comme je suis là pour la première fois en direct à cette heure-ci -juste en remplacement de l’avant-dernier matin vacancé de la bien belge Charline- pour faire connaissance, je me proposais de vous faire part d'une phrase que j'aime et qui peut aider à débuter la journée. Voici la phrase :Chaque jour est une vie.

Le matin où je l'ai entendue, ça m'a réveillée deux fois. Parce que quand le réveil sonne, il réveille mon corps. Mais mon esprit ? Je suis un peu comme les Indiens qui attendaient, après un voyage trop rapide, que leur esprit les rattrape.

Le mien arrive 10 minutes après généralement, sauf ce jour-là, où il a fait un grand ménage en moi. Au lieu de subir mes mécanismes, je me suis intéressée à toutes les actions du matin, plutôt que de penser qu'elles étaient moindres et que l'important c'était toujours la chose d'après. Même, je me suis amusée. Par exemple à me brosser les dents de la main gauche -sachant que je suis droitière-, ce qui fait que je me suis aussi un peu brossé les joues.

Oh ouais je me suis bien amusée ; un petit peu plus moins, quand j'ai cogné et dérapé sur les gencives avec le dos de la brosse. Ouille. J'ai aussi joué à m'habiller en commençant par le haut. Eh bien, je me sentais plus ridicule bien sapée du haut et pas du tout du bas, que l'inverse. Je me suis dit aussi : allez, les autres trucs, je les fais comme d'habitude, mais comme si c'était la première fois que je les exécutais.

Oh oui, c'est ça : essayer de découvrir les gestes de ma vie… de leur poussière. Avoir de nouvelles sensations. Ou plutôt les retrouver ; comme l'enfant, finalement.
Mais là, ça a rué dans les brancards, j'ai eu l'impression d'être schizophrène ; dans ma tête, ça discutait tout
Je m'empare tranquillement du thé, une voix subitement me dit "mais accélère, ça tu sais le faire". Je tente alors de prendre le temps d'humer le thé et j'entends "t'as que ça à foutre ? Je te signale que tu ne t'es même pas encore lavé les cheveux"! Du coup là j'accélère, je crée de la précipitation de l'énervement, de l'emportement… et je finis par faire tout, en n'aimant rien.

Et là je me suis dit : je veux vivre mes gestes et aimer vivre.

Je réalisais qu'avant, c'était comme si j'avais refusé de la vie… Je triais : ça c'est sympa ou glorieux je veux bien le vivre, ça c'est minable ou ça ça me gonfle, c'est pas à vivre.
Alors maintenant, j'arrête de résister à la vie et je résiste à mes habitudes.





Pour Serge Moati, diffusée le 2 octobre 2013

"PUISQUE LA BLESSURE FAIT UNE DÉCHIRURE"


Monsieur Serge Moati ; enfin Serge !? Henry, pour de vrai sur les papiers, mais Serge pour de vrai dans votre esprit.
C'est un peu mystérieux que vous ayez pris le prénom de votre papa.
Mais il y a encore un plus gros mystère pour moi dans le show biz, c'est David Hallyday.
Vous, au moins, vous avez pris le vrai prénom de votre père mort, mais lui, a pris le faux nom de son père vivant !

Y a t-il un psy dans la salle ?

Je sais -j'ai lu le dossier- que pour vous, c'est dû à la mort de vos parents, notamment celle de votre père le jour de votre onzième anniversaire.
Étrange cadeau de la vie.
On ne peut compter sur personne, tout le monde meurt ! Du coup on s'endurcit, on planque ses faiblesses, on assure, on remplit la fissure.
Puis, tel un chat sa crotte, on recouvre cet évènement fondateur et indésiré.

Mais nier le mal pour aller bien, je crois que c’est une très mauvaise voie pour aller juste.
Si je refuse ce qui est, ce qu'on me donne dans MA vie,  je vis quoi ? Un faux-semblant ? un faux espoir ?
La vie réalise non pas tous nos désirs, mais toutes ses promesses.

Faut juste que je comprenne ce que c'est que cette promesse qu'a une gueule de douleur(s).
Mais je résiste. Comme vous.
Vous me touchez avec vos luttes que vous menez enfant, puis même avec vos luttes d'enfant que vous menez adulte.
Finalement vous aurez été résistant, comme votre père. Mais pas pour le même résultat.

Alors faut apprendre à lâcher. Mais lâcher, dans ce cas, ce n'est pas être lâche, ce n'est pas trahir, ce n'est pas abandonner, c'est accepter.
Et accepter, ce n’est pas "être d'accord avec", ce n’est pas se débarrasser ou éviter, c’est pouvoir porter. Vouloir porter.

Alors je sais qu'on ne peut pas combler
Une plaie béante à jamais
Comme une bouche qui dit je t'aimais.

Mais on peut la traverser ; je crois qu'il faut la traverser pour enfin la dépasser et la rendre utile en la remettant en vie, ou, à la vie.
Comment trouver le passage ?...
... Un jour, j’ai vu une femme qui portait une fine chaîne en or autour du cou. La chaîne avait tourné et le fermoir de par ce fait se retrouvait devant.
Je me suis dit : « Tiens, c’est par là qu’elle ferme sa chaîne, mais c’est aussi par là qu’elle peut l’ouvrir. C’est le même endroit. »
Qu'est ce qui a fermé mon cœur, ma confiance?
La mort de mon père… N’avoir pu lui dire au revoir.
Et… la colère qu’il n’ait pas pu s’empêcher de mourir.

Je sais que pour vous c'est pareil, ce sentiment. On ne réalise que tard l’ampleur de la déchirure quand elle est reçue en pleine enfance.
Mais puisque la blessure fait une déchirure… on peut aller regarder de l’autre côté ce qu’il y a…
C’est le même passage, il n’y en a pas deux, il n’y en a pas d’autre.

Je crois que c'est ce que vous faites avec ce livre, on va le découvrir en tout cas.
Je voulais juste vous remercier d'avoir mis votre douleur au pot commun de l'humanité. Ça m'aide.

Et même si l'on ne saisit pas toujours les présents de la vie (dans les deux sens du terme) :
La vie est un cadeau 
et on en comprend le prix au fur et à mesure.







Pour Malek Chebel, diffusée le 13 février 2013
"IMPOSER LE BIEN"

Malek Chebel, vous êtes bardé de diplômes, je vous ai traqué sur Internet, j'ai écouté des conférences, je n'ai pas tout compris ce que vous dites, j'avais l'impression de patiner sur une immense étendue de glace, sans limites, je n'avais pas de repères, de références.
Peut-être parce que je n'ai pas lu le Coran.
Je l'ai acheté, mais pas lu encore.

Par contre, j'ai lu la Bible, en entier.
Parce que j'ai remarqué que les Livres sacrés étaient généralement critiqués par ceux qui ne les ont pas lus.

Je suis pratiquante. Mais pratiquante de la vie.
Depuis que le bien a été figé en morale, depuis que des hommes politiques coupent le monde en deux par un axe et décrètent la partie "bien" et la partie "mal", je préfère réfléchir par moi-même.
Imposer le bien !... c'est aussi con que de dire à qq'un qui chausse du 41 que c'est le 37 qui est la bonne pointure et uniquement le 37 ! !
C'est en voulant imposer LE bien qu'on fait le plus de mal.

Y'a qu'à voir Hitler, il a fait tout ça pour son idée du bien.
Je donne la parole à une immense amie,… que je n'ai pas connue, qui a 27 ans pour la vie -et la mort qu'elle a rencontrée dans un camp d'extermination, mais où elle n'a regardé que le côté vie. Elle s'appelle Etty Hillsum et disait :
"Je ne vois pas d'autre issue :
que chacun fasse un retour sur lui-même et extirpe et anéantisse en lui-même tout ce qu'il croit devoir anéantir chez les autres".

Les livres traditionnels –symboliques- qui pourraient être des guides pour faire la guerre en soi, ce qui serait le sens réel de la Guerre Sainte afin d'obtenir du pouvoir sur soi, sont tombés dans les mains d'hommes qui veulent le pouvoir sur les autres car ils sont incapables de l'obtenir sur eux-mêmes.
Ne serait-ce, en France, nous avons vu un président répondre à un homme qui l'insultait "casse-toi pauvre con".
Un "président", le plus haut grade, censé donner l'exemple, être un guide…
J'ai été choquée, très choquée par son manque de contrôle.
En même temps, je juge un peu rapidement, moi qui espère atteindre une noblesse de cœur quand je vois comment je me conduis sur mon vélo parfois :

L'autre jour, il y a une fourgonnette qui me double d’un peu près, trop près, et puis qui se retrouve arrêtée au feu rouge plus loin. Je fonce, j’arrive à côté et je dis :
« Ouvrez la fenêtre ».
– « Ouais, qu’est-ce qu’elle a la greluche ? »
– « Comment ça qu’elle a la greluche ? »
Je lui explique et je lui envoie une bordée d’insultes.
Il me dit : « Calmez-vous ma p’tite dame ! »
Je lui réponds : « Eh bien ça se voit que ce n’est pas vous qui parlez à un con ! ! ! »

Ouh la, si je suis "photographiée", jugée uniquement à ce moment de ma vie, ça va pas être joli-joli…!
Mais pourquoi je suis retombée dans le piège de l'insulte ?
Je croyais que j'avais compris qu'il ne faut pas y répondre, même mentalement. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut aimer l'erreur et la haine ; mais être capable de garder et porter l'amour de la vie malgré l'adversité.

Parfois je perds l'espoir quand je vois et entends tout ce qui se passe dans ce monde ; et avec de tels hommes au pouvoir.

Je doute que les choses puissent changer ; que le rustre puisse s'ennoblir.
En même temps, je repense à cette histoire que j'ai entendue sur France Musiques il y a quelques mois.
Pendant la guerre de 14, il y avait un jeune violoniste, enrôlé, qui, en plus de souffrir de la guerre, souffrait de ne pouvoir jouer du violon.
Il y avait avec lui dans les tranchées d'autres jeunes hommes, dont des ébénistes. Ils ont récupéré tout le bois qu’ils pouvaient, notamment le bois des caisses qui emballaient les armes, de ce bois « grossier » genre pallettes qu’ils affinaient en le rabotant, en le ponçant, l'assouplissant etc.

Puis ils créèrent un violon.
Ce bois, vulgaire, qui protégeait des armes, par l’amour du travail et de quelques êtres humains, est devenu un instrument au service d’un art.
À quel moment l’avait-t’on jugé, « photographié », et probablement méprisé, insulté, voire condamné au feu, ce bois ?

Etty Hillesum a encore dit :
"Et soyons bien convaincus que le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde nous le rend plus inhospitalier qu'il n'est déjà".